Les fantasmes

… les fantasmes

Qu’en est-il de cet aspect parfois controversé de notre sexualité ?
Sont-ils sains, malsains, utiles, à évacuer ?
Tenter d’observer nos fantasmes, de mieux les comprendre et de se servir de certains de leurs aspects peut nous aider à enrichir toute une partie de notre sexualité.

Or le bien-être sexuel peut améliorer un état d’être général,  favoriser la communication, l’amour, les échanges, mais également certains aspects de notre personnalité. Par la sexualité, nous allons franchir quelques marches, apprendre à nous connaître, percevoir nos goûts, respecter nos limites, nous approprier la relation à notre corps. La sexualité offre une porte d’entrée à l’union retrouvée, nostalgie des tout débuts de notre existence. Reconquérir, enrichir, explorer toutes les facettes de notre sexualité est un élan vers la vie, pour peu que l’on en apaise certains aspects. Car cette nostalgie évoquée, ce manque, s’ils ne sont pas apprivoisés, peuvent générer une sorte de violence, et notre sexualité sera alors assouvissante certes, mais pas source de communion…

Par ailleurs, l’harmonie sexuelle est un des piliers de la “bonne santé” du couple jeune, elle donne confiance, favorise l’échange et la confidence, crée des zones de plaisirs communs et intimes, renforce notre capacité d’amour. Aussi, il est bon de la développer.

Nous allons donc aborder ici quelques aspects des fantasmes, mais c’est un monde vaste. Goûter à certaines de ces dimensions peut nous donner l’envie d’approfondir ces questions, d’expérimenter ensuite pour confronter ce que nous supposons ou préjugeons à ce que nous ressentons pendant l’expérience.  

Les fantasmes, peuvent se définir comme “une production imaginaire qui représente le sujet dans un scénario déterminé, à la manière d’un rêve, et figure, d’une manière plus ou moins voilée, un désir. “ (encyclopédie universalis). Un fantasme est, en principe, irréalisable. 

Mais il faut aussi garder à l’esprit que ce qui est fantasme pour certains ne l’est pas forcément pour tous, tout comme ce qui est réalisable ou pas. Nous sommes chacun si différents que ces notions sont très personnelles et ne peuvent pas se comparer les unes aux autres. Chaque fantasme est fortement lié à la manière dont, intérieurement, nous sommes construits. 

Notre relation à la sexualité est fortement teintée par la manière dont le droit au plaisir sous toutes ses formes nous a été inculqué, de manière intentionnelle ou fortuite. De ce rapport au plaisir, immanquablement blessé dans l’enfance, nous allons garder des traces et des comportements dans notre vie d’adulte. Ce sont ces blessures, ces traces, que nous pouvons d’abord panser, puis dépasser pour retrouver une sexualité plus harmonieuse, plus joyeuse et en paix. 

Le fantasme s’est construit dans notre esprit pour répondre à deux forces contradictoires : le besoin de fusion, d’union, de plaisir d’un côté, et de l’autre l’immense douleur de la séparation d’avec l’amour infini vécu dans la vie intra utérine fait de fusion, de vérité, de joie que l’on peut appeler « complétude ». 

Cette douleur de la séparation nous incite à chercher comment combler ce manque, à retrouver ces qualités de la complétude dans le quotidien. Mais faute d’y parvenir à la hauteur du sentiment que nous en gardons, cette douleur produit intérieurement un désespoir, qui à son tour engendre un certain degré de violence que l’on retrouve trop souvent dans la sexualité. 

Mais dans la mesure où la sexualité apprend à tenir compte de l’altérité, nous allons pouvoir trouver une issue. Grâce à la présence de notre partenaire, qui a lui aussi, cette recherche de plaisir et de fusion, nous allons nous mettre en route pour que chacun y parvienne.

Les fantasmes sont de ce point de vue un terrain de jeu particulièrement adapté. En effet, ils contiennent toujours une partie trouble. Nous les cachons alors, au moins en partie, à nous-même et aux autres. Apprendre à les dévoiler aide à les regarder plus tranquillement et les rend plus paisibles.

Pour commencer nous pouvons tenter de prendre contact avec ce monde de nos fantasmes. Les approcher, toucher du doigt ce qu’ils contiennent et ce qu’ils racontent de nous. Alors pourquoi ne pas les écrire, et ainsi, petit à petit entrer dans la précision de ce scénario qui est en nous, dans les détails des images qui nous viennent, percevoir plus finement et approcher ce qu’ils contiennent issu de nos désirs. Peut-être pourrons nous en y regardant de plus près retrouver le goût du désir qui en est à l’origine et franchir un premier pas vers sa conquête…

La masturbation offre elle aussi un terrain de jeu propice à la rencontre de nos fantasmes. Grâce à elle, nos rencontres à deux pourront contenir plus de complicité, de partage. 

La masturbation nous aide à découvrir notre corps dans l’intimité,à l’apprivoiser, à améliorer la relation à lui. Nous affinons aussi les gestes, les sons, les parfums qui nous plaisent, qui nous excitent. Cependant, notre psychisme lui aussi est à découvrir et vient trouver sa place face à celle du corps. Quelle situation imaginée accroît mon excitation ? Le fantasme dans la masturbation a ainsi toute sa place. Nous allons gagner en excitation et laisser libre cours à notre imaginaire au service du plaisir à deux… Oser nous confier, à nous mêmes, pour ensuite nous confier à l’autre dans la rencontre.

Cette rencontre charnelle à deux, au sein d’un couple ou dans une relation éphémère, représente une conquête de plus. Après s’être confié(e) seul(e), nous avons à nous dévoiler à l’autre, avec ce corps tel qu’il est, avec nos désirs avoués ou non. Mais tout ne se passe pas toujours comme nous l’avions prévu : le désir est parfois présent, mais le corps ne “répond pas”. Faire appel aux fantasmes à ce moment-là peut être une façon de retrouver de l’excitation, réchauffer le corps et ainsi la relation grâce à l’imaginaire. Parce que nous aurons appris à les connaître, à les dépouiller de la violence évoquée plus haut, ils deviendront un élan vers soi et vers l’autre.

Dans une relation stable notamment, certains fantasmes peuvent également se partager avec notre partenaire, dans une confidence, quand le couple a déjà appris par ailleurs la confidence sincère et l’écoute bienveillante. Dire en toute confiance un de nos fantasmes à l’autre, l’entraîner de temps à autres dans une partie de notre imaginaire, favorise une excitation commune. 

Vous l’aurez compris, nous ne voulons pas ici définir précisément ce qu’est un fantasme, mais plutôt évoquer différentes manières de percevoir ce monde et y pénétrer. C’est un des ingrédients importants de la sexualité et explorer ce qu’il contient, nous l’avons vu, n’est pas toujours simple. Mais si nous sommes mus par l’envie de la rencontre, de la réunion, alors les fantasmes seront une porte d’entrée. Porte d’entrée vers une considération plus tranquille de nos désirs et de ceux de notre partenaire. Porte d’entrée vers l’apaisement avec cette douleur, souvent inconsciente du manque. Invitation à une sexualité source de joie et d’altérité. Alors peut-être découvrirons-nous qu’ils peuvent changer de nature…

Guylaine Le Jeune
SF2M